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Verbier Saint Bernard

Publié 10 Juillet 2019 par Thomas Diconne in Trail, montagne, ultra

Verbier Saint Bernard

Deux ans après avoir rendu les armes à la Fouly me voilà de retour à Verbier pour prendre ma revanche. Même si j’ai bien digéré cet abandon la beauté du parcours me donne vraiment envie d’y retourner, si au passage je peux aussi me prouver quelque chose je ne vais pas cracher dans la soupe…

Mon entrainement n’est pas celui que j’aimerais mais il est aussi bon que possible dans les conditions de ce début d’année. Entre mes tendons qui se sont mis en grève fin 2018 et la naissance de Gaël je compte les sorties longues sur les doigts de la main. Heureusement que le trail des crêtes du Chablais est passé par là pour me rassurer un peu sur mon état de forme : si la vitesse n’est pas au rendez-vous je sens que l’endurance est toujours là, c’est l’essentiel.

La vague de chaleur de juin m’a rappelé que c’est cette même chaleur qui m’avait détraqué deux ans plus tôt : pas question de me faire avoir à nouveau ! Cette fois je suis prêt : entrainements entre 12h et 14h pour m’habituer à la fournaise, casquette saharienne et éponge pour garder un peu d’humidité sous la casquette. Les prévisions météo n’annoncent pas de grosses températures mais je me méfie…

Après un temps infini à préparer les sacs et essayer de ne rien oublier il est temps d’y aller !

Cette fois nous y sommes, nous arrivons au retrait de dossard mais Gaël ne l’entend pas de cette oreille : il a la dalle et il n’a pas l’intention d’attendre ! Premier ravito du week-end, je vais préparer le biberon quand mon cœur manque un battement : j’ai laissé le pot de lait à la maison. Panique à bord ! Plus qu’à trouver une pharmacie en urgence… Google m’indique que la plus proche est à au moins 30 minutes de route. On est mal. Je cours chercher mon dossard. Impossible de me mettre dans l’ambiance, je suis trop en stress à cause de cette histoire de lait. Je retire mon dossard sans penser à la course mais en demandant à tous les bénévoles s’ils savent où je peux trouver une pharmacie. Il y en a une un peu plus loin, ouf !

Après cette petite frayeur nous regagnons notre logement à Fully où la soirée est bien courte : une tournée de riz, un dernier point sur les affaires à emmener et au lit ! Je règle le réveil sur 1h30, gloups…

La nuit est courte et mauvaise, je m’endors rapidement puis me réveille après avoir rêvé que je loupais le départ. Impossible de retrouver le sommeil ensuite. Bref, la nuit classique d’avant course…

Il est l’heure, je me lève mi-figue mi-raisin : une part de moi a hâte d’y être histoire d’arrêter de cogiter, l’autre a juste envie de rentrer à Besançon et de changer de sport. J’avale quelques tartines rapidement mais l’appétit n’est pas là, je saute dans mes vêtements et nous prenons la route. Pas moyen de somnoler dans la voiture, je sens que je vais payer ce départ très matinal… Nous arrivons, Laurence me dépose et retourne se coucher. Cette fois plus moyen de me défiler… Je pose mon sac coureur dans le camion, il me retrouvera à Bourg Saint Pierre au 75e km si tout va bien. Plus qu’à aller me mettre dans le sas de départ.

Il y a deux départs pour cette X-Alpine : un premier à 3h00 pour les coureurs qui craignent les barrières horaires et un second à 5h00 pour les autres. Même si les barrières ne m’inquiètent pas je préfère prendre le premier, il devrait me permettre de passer les deux premières ascensions sans trop souffrir de la chaleur. L’inconvénient est que je vais être bridé jusqu’au deuxième ravitaillement, les postes n’ouvrant qu’après 1h40 pour le premier et 3h10 pour le deuxième. J’espère ne pas avoir à regretter mon choix… Je pars avec un objectif de 24h que je pense atteignable malgré mon entraînement très léger, dans un petit coin de ma tête j’ai les 22h dans le viseur mais il me faudrait une course sans accroc pour les accrocher.

Verbier Saint Bernard

 

L’heure H approche, nous avons droit à un rapide briefing pour nous rappeler de suivre les flèches du 110km et non celles du 73km. On aurait pu s’en douter. Plus beaucoup de temps avant le grand départ, la musique de départ est lancée, on nous lit « Tu seras un homme mon fils », l’émotion monte. Le décompte arrive, c’est parti !

L’avantage de partir avec les coureurs qui jouent les barrières horaires est que ça part doucement pour une fois, pas besoin de jouer des coudes ou de slalomer. Je me place devant, derrière un anglais et une fille qui a l’air aux anges de faire un bout de course en tête. Nous suivons une voiture de police qui nous guide dans les rues de Verbier en direction du premier chemin. C’est plus rassurant que d’avoir des policiers suisses aux fesses !

Fini le bitume, place aux chemins ! Et à la première montée également. Dans mon souvenir elle n’était pas bien raide, on dirait que ma mémoire me joue des tours ! Je grimpe au milieu des sapins en compagnie d’un compatriote qui vient des Rousses et qui semble d’humeur à discuter, tant mieux, ça fera passer le temps ! Nous grimpons à un rythme correct mais sans forcer, nous dépassons l’anglais qui a l’air d’en baver et nous voilà en tête ! Presque tous les voyants sont au vert, j’ai juste une petite douleur dans mon mollet droit suite à une crampe qui m’a pris deux nuits plus tôt, j’espère qu’elle ne va pas me rappeler à l’ordre plus tard dans la journée…

Après 300m de dénivelé nous arrivons en haut de cette première bosse et c’est la bascule : direction Sembrancher 1000m plus bas. Une nouvelle fois ma mémoire me fait défaut, la descente qui était toute simple dans mon souvenir est un peu piégeuse au début. Je trottine calmement après avoir semé le jurassien qui avait des problèmes de frontale. L’anglais me dépasse lancé comme un boulet, je ne sais pas s’il a compris qu’il ne servait à rien d’arriver en moins d’1h40 au ravitaillement vu qu’on ne pourra pas pointer. Ma descente se passe calmement mais sûrement, j’essaie d’adopter une foulée légère pour préserver mes genoux le plus longtemps possible, j’ai le douloureux souvenir de la fin de la TDS en mémoire, j’appréhende terriblement de revivre ces moments…

Je sors de la forêt après avoir été rejoint par deux coureurs avec qui je commence à discuter. Nous essayons de ne pas nous perdre, le balisage est assez léger et pas forcément bien visible. Nous allons à un bon rythme, d’après ce que m’indique ma montre nous allons avoir pas mal d’avance à Sembrancher. Nous finissons la descente au travers des champs avant de rejoindre la dranse et le petit chemin plat qui nous conduira au ravitaillement. J’ai des petites pointes dans les cuisses, même si la descente n’était pas difficile est était longue et va laisser quelques traces. Arrivés à l’entrée de Sembrancher je propose à mes compères de marcher un peu histoire de ne pas se fatiguer pour rien. Nous entrons dans le village et nous faisons rattraper par un petit troupeau qui trottine jusqu’au ravitaillement.

J’ai été trop vite sur cette première portion mais je suis sur les mêmes bases que deux ans plus tôt, pas de grosse erreur de gestion donc. Au moins ça me laisse 10 minutes pour me ravitailler et récupérer un peu. La table de ravitaillement est géniale : chocolats suisses et tartines de brioche au beurre et à la confiture ! L’appétit est là, j’en profite pour bien m’alimenter et refaire le plein de mes bidons. Il me reste quelques minutes avant qu’on ne nous laisse repartir, je vais m’asseoir au bord de la fontaine du village en attendant.

4h20 : on nous laisse filer dans la montagne, direction le Catogne ! L’anglais repart en trombe tandis que le reste de la troupe se remet en route plus prudemment. Nous quittons la route et retrouvons les chemins, cette fois ma mémoire ne m’a pas trahis : ça grimpe dur ! Je dépasse les quelques coureurs devant moi, seul l’anglais grimpe plus vite que moi. J’ai programmé ma montre pour avoir une alarme m’invitant à boire toutes les 10 minutes, je commence à m’habituer à ce rythme en alternant les boissons : un coup d’eau claire, un coup de boisson énergétique. Je sens que mes jambes tournent bien mais je ne change rien à mon rythme, je suis calé entre 850 et 1000m/h, c’est un peu plus rapide que ce que j’avais prévu mais je sens que c’est le tempo qui me convient. Je traverse un petit hameau où je me fais dépasser par un coureur qui relance un peu fort. Quelques personnes sont là pour nous encourager à cette heure encore bien matinale.

Nous revoilà sur le chemin, ça grimpe à nouveau fort. J’ai repris du terrain sur l’anglais que je finis par doubler alors qu’il fait un bruit d’avion au décollage. Je rattrape le coureur qui m’a dépassé un peu plus bas et me calle sur son rythme, je sens que je vais aller beaucoup trop vite autrement. Deux coureurs finissent par revenir sur nous et nous discutons un peu pendant que le jour se lève pour nous offrir de premiers panoramas sur le valais. C’est magnifique. L’altitude monte, nous voilà aux alpages du Catogne, deuxième ravito. Le rythme ayant ralenti sur la fin, l’anglais est revenu sur nous et accélère pour être premier au point de contrôle. Manque de pot pour lui le bénévole me pointe en premier.

L’accueil qui nous est réservé est très chaleureux, les bénévoles sont tous sourires, ça fait du bien au moral. Je suis encore allé trop vite, exactement dans mes temps de 2017, il va falloir poireauter pendant 15 minutes environ. Je bois un coup, mange une pâte de fruit et refais le plein des bidons pendant que les autres coureurs arrivent. Je trouve une boisson énergétique aux fruits rouges dont le goût me plait bien, j’espère en retrouver sur le parcours ! Tout le monde attend pour repartir, j’en profite pour poser la frontale et sortir ma casquette et mes lunettes.

Un bénévole nous dit que nous pouvons repartir, tant mieux, avec mon tshirt mouillé et le vent je commençais à avoir un peu froid. Je repars derrière mon anglais toujours aussi décidé à faire la course en tête avant de devoir m’arrêter : en voulant replacer mon dossard j’ai arraché les épingles à nourrice. Me voilà bon pour repasser tout le monde. Cette fois plus de barrières horaires inversées à respecter, je peux prendre mon rythme de croisière. Je me sens en pleine forme dans cette seconde partie de la montée vers le Catogne, je me régale des couleurs de l’aube en regardant la crête qui me tend les bras. Je dépasse rapidement mon anglais préféré et profite d’un chemin complètement dégagé, j’ai un peu l’impression d’être à l’entraînement ! Après le joli petit chemin les choses se corsent, le terrain devient plus minéral et plus technique, il faut lever les genoux et commencer à mettre un peu les mains. Quelques randonneurs sont déjà là, c’est rassurant de ne pas être complètement tout seul au milieu de ces cailloux. J’aperçois les bénévoles qui attendent au sommet pour le pointage, ils paraissent encore tout petits mais je ne me fais pas de souci, cette montée passe vraiment bien. L’arrivée au sommet est encore un peu plus musclée, je navigue entre les blocs en essayant de suivre le balisage sous les encouragements des bénévoles. J’arrive au sommet plus vite que prévu, les bénévoles pointent ma puce en me félicitant vivement. Nous discutons un peu, c’est un super moment. Je sais qu’après le second départ je serais loin derrière au classement mais passer ce col en tête est vraiment grisant, je suis accueilli comme une star.

Verbier Saint Bernard

Pas de quoi s’emballer, me voilà dans la descente vers Champex qui dans mon souvenir n’était pas une partie de plaisir. Ma mémoire a encore édulcoré la chose, c’est vraiment une belle saleté ! La pente est très raide avec pas mal de difficulté technique et pour couronner le tout la terre ultra sèche file sous les pieds. Rien ne sert de s’éclater par terre maintenant, je descends doucement mais sûrement. J’ai beau y aller mollo je sens que je me crispe, les muscles vont souffrir… Les bénévoles m’ont indiqué une heure de descente, on dirait qu’ils n’avaient pas tort, je vais y passer un moment ! J’avance tant bien que mal, j’essaie de courir quand je sens bien le terrain, le reste du temps je m’appuie sur mes bâtons, m’aide de mes mains ou descend à quatre pattes. Rien de bien brillant ! Mon anglais se pose moins de questions que moi et passe à fond la caisse, soit je le retrouverais en miettes un peu plus bas soit je le retrouverais agonisant dans la montée du col Breya. Je continue à descendre en commençant à bougonner après ces descentes techniques et interminables qui m’attendent, la gamelle prise deux semaines plus tôt à l’entraînement me trotte dans la tête…

Une petite montée arrive comme un rayon de soleil au milieu de cette descente, 100m de D+ à avaler, voilà qui devrait me retaper ! Je remonte un peu sur l’anglais en essayant de me remettre à positiver avant que le calvaire ne recommence. J’essaie de me laisser aller mais je me sens toujours crispé, pas moyen de laisser mes jambes tourner comme elles devraient. Vivement Champex…

Peu à peu le chemin devient moins accidenté et moins glissant, j’arrive à retrouver un peu de rythme. Un coureur revient sur moi et se cale sur ma foulée. Nous apercevons le lac en contrebas et mon ventre commence à gargouiller, le ravito est proche ! Je commence à retrouver du positif dans cette descente : j’arrive en bas sans bobo, pas encore fatigué et sans avoir souffert de la chaleur, c’est bien mieux qu’il y a deux ans ! Je me sens d’attaque pour la montée à Orny.

Encore quelques lacets et je débouche dans Champex. Il n’y a pas encore foule mais on m’encourage pendant que je traverse le village pour aller à la tente de ravitaillement. Je discute un peu avec les bénévoles en ingurgitant quelques quartiers d’orange avant de me risquer sur la charcuterie qui passe étonnamment bien. Le petit pain est de trop par contre. Je refais le plein de mes gourdes en pensant bien à remplir mon troisième bidon pour cette portion assez longue. Pas de boisson aux fruits rouges mais de la boisson au citron vert un peu fadasse, je m’en contenterais pour l’instant… Je repars du ravito en remerciant les bénévoles avant de passer ma casquette sous l’eau. C’est en sentant la fraicheur sur ma nuque que je me rends compte qu’il commence déjà à faire chaud,  il n’est que 8h…

Verbier Saint Bernard

Je repars sur le petit chemin en trottinant et en réajustant mon sac pour éviter les frottements. J’essaie de ne pas m’emballer dans cette partie qui grimpe tout doucement. Me voilà le long du torrent, j’en profite pour remouiller ma casquette, la journée va être plus chaude que ce qu’on nous a annoncé… Je marche dès qu’il y a un peu de pente et me fais dépasser par le coureur qui m’avait repris dans la descente qui est plus à la relance que moi. Je commence à me demander si je suis dans le bon tempo. L’inconvénient de ce premier départ est que je n’ai personne à dépasser et très peu de gens avec qui courir, je vais devoir être solide dans ma tête et me raccrocher à mon plan de marche.

Je croise quelques groupes de randonneurs qui font le tour du mont-blanc et m’encouragent comme des fous, ça fait du bien avant la grosse difficulté qui arrive ! Le torrent forcit et le chemin commence à prendre de la pente, je mouille une nouvelle fois ma casquette tant qu’il y a de l’eau a portée de main, j’ai un peu peur du four qui m’attend avant le col Breya. Un pont enjambe le torrent en furie, c’est vraiment chouette. Cette fois ça y est, la montée commence vraiment, la pente devient raide, il n’y aura plus de répit avant le col Breya. Je trouve immédiatement mon rythme, le cœur ne monte pas dans les tours, les muscles ne chauffent pas trop, j’ai presque hâte de sortir de la forêt pour attaquer la partie difficile ! Je regarde l’altimètre régulièrement tout en cherchant  un peu d’eau sur mon chemin pour me refroidir. Je trouve finalement de quoi me rafraîchir alors que la chaleur commence à se faire sentir. Je rattrape le coureur de tout à l’heure qui monte sans avoir l’air de trop forcer alors que nous sortons de la forêt pour attaquer la dernière partie de ce col au milieu du pierrier. Encore 300m de dénivelé et j’aurais fait le plus dur !

L’anglais de tout à l’heure est juste devant, je le reprends sans difficulté dès le début de l’ascension. C’est encore plus dur que dans mon souvenir : très raide et pas vraiment de chemin dans des blocs chauffés à blanc par le soleil. J’ai la mauvaise idée de jeter un œil au-dessus de moi : aaaargh ! Les bénévoles qui m’attendent au sommet sont minuscules, cette montée va être un gros morceau… J’essaie de garder un rythme régulier tout en m’hydratant régulièrement. Je dépasse quelques randonneurs qui n’ont pas l’air mieux que moi. Ma casquette a séché et je commence à rôtir dans ce carcan de roche. Les bénévoles ont un peu grandit mais j’ai encore un bout de chemin à parcourir. Je continue avec la carotte d’une pause au sommet en profitant de la vue. Le sommet approche, j’entends les bénévoles m’encourager, ça commence à sentir bon !

Ca y est j’y suis ! On pointe ma puce et je me trouve une petite place pour m’asseoir et grignoter un peu. Je prends une poignée de mon mélange pour apéro / m&m’s qui se transforme en pâte dans ma bouche déjà sèche. Pouah ! Les deux coureurs dépassés dans la montée finissent par me rejoindre suivis par les deux coureurs de tête partis deux heures après nous. Pas de pause au col pour eux, impressionnant !

Je repars juste derrière le coureur qui montait régulièrement. On nous fait passer au travers d’un trou de souris dans la roche, je passe en marche arrière sans trop voir derrière moi. Je m’arrête juste à temps, c’est le vide qui m’attendais sinon… Ma petite pause m’a retapé physiquement mais le chemin en balcon que nous empruntons à présent me fait enchainer les petites descentes technique dans lesquelles je me sens toujours aussi peu à l’aise, je me crispe là où je devrais pouvoir récupérer, c’est rageant ! Tant pis, je prends mon mal en patience, j’aurais le temps de me rattraper après la Fouly quand le terrain sera moins technique. Peu à peu le chemin dévoile un paysage splendide entre le glacier, le torrent généré par la fonte des neiges et la pointe d’Orny.

Nous retrouvons un chemin plus à ma convenance qui recommence à monter doucement en direction de la cabane d’Orny, il y a pas mal de randonneurs dans le coin. Au bout d’un moment je croise Aldo chez qui nous dormons, nous discutons quelques minutes avant que je ne reprenne ma route. J’ai bien récupéré depuis le col Breya et je me sens les jambes de relancer dans les faux plats. Un panneau indique le ravitaillement à 800m et 130D+, je me sens définitivement mieux qu’il y a deux ans ! J’avale la dernière montée sans aucun problème et arrive à la cabane. Grosse déception, en route j’ai oublié qu’il s’agissait d’un ravitaillement liquide, zut ! J’avais bien envie d’avaler des quartiers d’orange… Tant pis, je puise une pâte de fruit dans mes munitions et recharge les bidons. Je laisse tomber la boisson énergétique au citron vert pour me rabattre sur du sirop de grenadine pas mal chargé. Ça devrait bien passer. Un petit merci à tout le monde et je repars. Me revoilà 1er des coureurs partis à 3h.

Verbier Saint Bernard

Un gros morceau m’attend à présent, 1600m de D- sur 7km jusqu’à Saleinaz. Si les montées m’inquiètent de moins en moins, je redoute maintenant les descentes, et celle-ci particulièrement, j’y avais pris des crampes en 2017. Je commence à descendre doucement sans prendre de risque pendant que je croise quelques coureurs qui en terminent avec la montée d’Orny. Je reconnais quelques têtes du départ de 3h, je croise aussi quelques brutes du départ de 5h, ils ne vont pas traîner à me reprendre dans la descente. Le chemin n’est pas évident pour le moment d’autant plus qu’il y a quelques passages de névés, j’avance prudemment, j’aimerais éviter de me prendre une grosse pelle maintenant. Je me fais rapidement dépasser par un coureur de tête, et ça risque de continuer pendant un petit moment ! C’est le moment où il va falloir ne pas broyer du noir.

Le coureur qui a terminé la descente vers Champex avec moi un peu plus tôt me rattrape, je lui propose de passer mais il préfère se caler sur mon rythme. Nous faisons la descente sans discuter, bien trop concentrés sur nos pieds. Passé le sommet il n’y a plus trop de difficulté, on peut presque profiter de la vue. C’est sans compter les nombreuses pierres que je cogne avec mes pieds, je grogne en serrant les dents, si je butte autant dans chaque descente je vais avoir les orteils enflés comme des knackis… L’altitude baisse assez régulièrement, on commence à sentir la chaleur se faire de plus en plus présente. Bientôt la moitié de faite et mon corps réagit plutôt bien, pas de grosses douleurs musculaires, les genoux tirent un peu mais ont l’air de tenir le choc pour le moment, il n’y a que mes pieds qui commencent à être talés et qui me font souffrir à force de buter dans des cailloux.

Nous retrouvons un peu de végétation alors que la pente et la technicité s’accentuent. Bientôt le bas, encore un petit effort ! Je fais une belle glissade qui me rappelle à l’ordre, je dois rester concentré encore un peu. Un petit miracle arrive alors que je commence à souffrir de la chaleur : un point d’eau qui n’était pas prévu a été installé là. Deux bénévoles nous attendent avec de l’eau fraîche et de quoi nous arroser. Je remplis mon bidon et passe ma tête sous l’eau tandis que la bénévole me propose de m’arroser avec de l’eau de son pichet, encore plus fraiche. J’accepte volontiers ! Cette petite touche de fraicheur me revigore, je repars tranquillement tandis que Sam s’arrête un peu. Je poursuis ma route en traversant la retenue d’eau sous les encouragements de quelques spectateurs.

Me revoilà dans la descente, il ne doit plus y en avoir bien long mais le chemin est tortueux et piégeux. Il y a de nouveau des randonneurs sur le parcours, on est proche du TMB, ça fera quelques encouragements supplémentaires ! Sam fini par me rejoindre et nous terminons la descente ensemble avant que je ne le lâche à nouveau dans une relance.

Me voilà sur le chemin qui remonte doucement vers la Fouly, j’avais détesté cette portion la dernière fois : pas grand-chose à voir, beaucoup de faux-plats qui incitent à courir tout en sciant les jambes et la sensation de cuire à feu-doux dans les parties ensoleillées. Je vais essayer de ne pas me faire piéger en n’hésitant pas à marcher et en faisant au mieux pour me rafraîchir. Le gros point noir : je n’ai pas grand-chose pour mesurer ma progression, mon GPS déconne complètement, le mode ultratrac de ma garmin m’ajoute des kilomètres, je dois être autour du 42ème quand il m’en annonce environ 60.

Je me sens relativement frais, j’arrive à trottiner à un bon rythme quand le chemin est roulant et je profite des montées pour récupérer un peu. Peu à peu la chaleur fait son travail de sape, les relances sont moins marquées, je commence à sentir que je manque de jus. Je bute dans un caillou et part à la faute, une belle gamelle que je rattrape avec mes mains. Je peux dire merci aux dragonnes de mes bâtons d’avoir encaissé le plus gros… Le rythme a baissé mais je garde le moral, je sais qu’il faut que je fasse encore un peu le dos rond jusqu’à la Fouly, la deuxième partie de course sera moins technique et moins raide, je pourrais récupérer. Je me raccroche à mon altimètre pour mesurer ma progression mais c’est un peu les montages russes pour l’instant, une descente suit chaque montée, j’ai l’impression de stagner. Je demande à un marcheur si le chemin est encore long avant la Fouly, il se met à marcher à côté de moi pour évaluer mon rythme et me prédit 45 minutes de route. Ça me paraît beaucoup mais il a l’air de savoir ce qu’il dit. Je continue ma route avec l’impression de rôtir doucement mais sûrement, heureusement, je finis par trouver le seul point d’eau de ce chemin. Je m’arrose copieusement pour faire descendre la température, quel pied ! Je me remets en marche en ayant retrouvé un peu de jambes, j’essaie à nouveau de relancer, le moral est remonté. Je passe au pied de la cascade que Laurence aime tant, je vois où j’en suis. J’ai fait un bon bout de chemin mais il reste encore un peu de route. A mesure que je sèche mon état se dégrade à nouveau mais j’approche du ravitaillement et mon altimètre approche des 1600m de la Fouly, je tiens le bon bout ! Je débouche finalement devant une aire de jeu après une petite bosse, on m’indique que le ravitaillement est juste après, chouette ! Le marcheur de tout à l’heure a fait mouche : 45 minutes comme prévu ! J’essaie de guetter Laurence et Gaël mais je ne les aperçois pas. Une accompagnatrice me dépasse en courant avec une glacière à la main dans la dernière bosse, j’aimerais bien avoir sa fraîcheur !

J’arrive sur la route principale de la Fouly, pas trace de Laurence et Gaël, zut ! Je marche tranquillement jusqu’à la tente de ravitaillement où les bénévoles sont aux petits soins avec moi. Je grignote un peu et refait le plein d’eau avant d’aller m’asseoir à une table pour appeler Laurence. Elle vient juste d’arriver et m’attends un peu plus bas, ouf ! Elle me rejoint sous la tente pendant que j’avale un peu de fromage et de charcuterie. Nous discutons un peu pendant que je récupère mes affaires : j’ajoute ma paire de yacktrax dans mon sac en prévision du sommet du grand St Bernard ainsi qu’un tshirt. Le temps risque de se gâter en début de soirée, je serais content de pouvoir mettre quelque chose de sec quand ça se calmera. Je profite encore un peu de ces moments en famille avant de reprendre ma route, j’ai hâte de les revoir à Bourg St Pierre ! En quittant la tente je sors l’éponge que je gardais précieusement dans mon sac, j’aurais dû la sortir plus tôt… Je la gorge d’eau avant de la mettre sous ma casquette, ainsi je garderais du frais plus longtemps.

Verbier Saint Bernard

Cette fois c’est parti, direction le grand Saint Bernard, l’ascension qui m’inquiète le moins du parcours. La montée commence par un chemin blanc qui serpente doucement dans les alpages. Rien de difficile si ce n’est que le soleil tape. Un gros nuage noir est en train d’arriver depuis le col Ferret, la température devrait baisser d’ici peu. J’aperçois Sam un peu plus bas, nous nous faisons signe avant que le chemin ne redescende une première fois. J’en profite pour courir un peu, le ravito m’a bien remis sur pieds. La montée reprend, toujours en pente douce sur un chemin sans difficulté. Je finis par arriver en forêt puis traverse un torrent dans lequel je trempe ma casquette et mon éponge, le chemin redescend à nouveau jusqu’à Ferret. J’ai fait la partie qui suit avec Laurence en rando, je sais à quoi m’attendre. La montée va être longue avec assez peu de pente, il va falloir marcher vite !

Mon GPS m’indique que malgré mon bon pas je grimpe à 500m/h. Outch. Si la pente ne s’accentue pas j’en ai pour environ 3h jusqu’au col ! J’ai beau savoir qu’il y aura plus de pente vers le sommet, je commence à me demander si cette portion ne va pas être plus longue que prévu… Je continue sans changer de tempo en cherchant à repérer le chemin. Le tracé nous fait couper quelques virages et l’altitude commence à monter un peu mais je broie du noir en ce début d’ascension : j’ai besoin de voir les choses évoluer, je déteste ces pentes douces, j’ai presque hâte d’attaquer le kilomètre vertical final ! Je profite un peu du paysage mais le moral n’est pas au beau fixe, ce chemin ne m’intéresse pas.

J’arrive près d’une bergerie avec une source d’eau, je refais le plein et m’arrose encore une fois. A partir de là le chemin devient plus montagneux et un peu plus pentu, j’essaie de repérer par où il passe pour atteindre les lacs fenêtre mais il est bien caché. Je finis par rattraper un coureur du départ de 5h perclus de crampes, je l’encourage mais il a l’air mal en point. Je profite d’un replat pour relancer, un regard en contrebas me montre qu’il est reparti avec un autre coureur. Pas de crampes pour moi mais je commence à me sentir fatigué, j’ai les yeux qui piquent et moins d’énergie. Ca ressemble fort aux symptômes d’une hypoglycémie… Je me force à manger une pâte de fruit.

Ca y est, le chemin devient bien pentu, c’est la dernière partie avant les lacs ! La fraîcheur est de retour, je me sens mieux, la pâte de fruit a fait son effet. J’arrive à relancer la machine, j’avale cette portion avec beaucoup de plaisir avant d’arriver face au premier lac et de trouver la neige. J’hésite à sortir les yacktrax mais je décide d’attendre un peu de voir l’état général du terrain. Le chemin longe le premier lac avant de traverser par un petit pont de pierre, ce lieu est vraiment magique ! Je monte à présent en direction des deux lacs supérieurs, il y a moins de neige que sur les photos communiquées par l’organisation, je ne sais pas si je suis content ou déçu. Le chemin est plus facile que ce à quoi je m’attendais mais j’aurais adoré passer avec beaucoup de neige. Je profite un peu du panorama mais je sens que je reviendrais pour prendre le temps d’apprécier. Les deux coureurs qui me suivent depuis tout à l’heure sont toujours là mais ils ne gagnent pas de terrain, je dois faire une bonne montée !

Verbier Saint Bernard

Le col fenêtre est en vue, trois personnes sont là-haut, elles paraissent ridiculement petites ! Je continue d’avancer dans la caillasse et les névés, je me sens dans mon élément, la forme est revenue et le moral est au beau fixe. Je me délecte de la fin de cette ascension tout en espérant qu’il n’y aura pas trop de neige de l’autre côté du col. J’arrive finalement auprès des bénévoles qui me réservent un super accueil et découvre avec satisfaction qu’il n’y a qu’un névé au début de la descente. Me voilà en Italie !

La descente me convient bien, une pente pas trop raide et une technicité moyenne, je sautille entre les pierres en essayant de prendre de bonnes trajectoires. Pour la première fois de la journée j’ai de bonnes sensations dans une descente. Le vent s’est levé et l’air est frais, on dirait que l’orage approche. J’espère avoir le temps de passer le col des Chevaux avant que ça ne craque… Un photographe m’attend un peu plus bas de l’autre côté d’un torrent, rien pour traverser, merde, je vais devoir me mouiller les pieds alors qu’il commence à faire froid… Je ressors du torrent avec les chaussures gorgées d’eau, au moins ça m’assouplira un peu la peau des pieds ! La descente se poursuit dans les meilleures conditions, mes genoux commencent à tirer mais rien d’alarmant, j’espère qu’ils tiendront jusqu’à Bourg St Pierre. J’arrive en bas et rejoins la route du col après avoir traversé un nouveau torrent. Je traverse en essayant de ne pas me faire faucher par les automobilistes qui n’ont pas l’air d’avoir grand-chose à cirer de la course. Le chemin remonte à présent en direction du col avant de traverser la route à nouveau. J’ai avalé cette ascension bien plus vite que ce que j’espérais, je commence à me dire qu’il est possible de jouer les 22h ! La dernière portion passe à travers la roche, il faut un peu lever les genoux mais l’effort passe encore bien. Cette fois le temps est clairement en train de virer, le vent souffle très fort et une petite bruine est en train de s’installer. Un bénévole est en train d’essayer d’arrimer  de la rubalise avec des pierres, ça n’a pas l’air gagné…

Cette fois me voilà au ravito ! Je commence par boire un coup avant de manger un peu de charcuterie, il n’y a que ça qui me fasse envie aujourd’hui. Je prends un peu de chocolat pour avoir quelques sucres rapides malgré tout et refais le plein de mes bidons. J’ai tout le poste de ravitaillement pour moi et les bénévoles se mettent en quatre pour moi. Ils me disent que les prévisions météo n’annoncent pas d’orages mais qu’un peu de pluie n’est pas exclue. Le vent venant du nord à présent, ils ont quand même quelques doutes… Je ne m’attarde pas trop et repars en direction du col des chevaux, un bénévole m’indique de repartir tout droit en direction de la route.

Verbier Saint Bernard

Je longe la route mais une nouvelle fois le balisage est plus que léger et je manque me tromper de chemin à la première intersection. Le vent est de plus en plus fort et froid, un épais brouillard est tombé et je commence à sentir des goutes. Mieux vaut prévenir que guérir, je m’arrête à l’abri pour enfiler mon coupe-vent. Ça va mieux ! Je repars sur la route du col en suivant les panneaux indiquant le col des chevaux faute d’avoir un balisage digne de ce nom. Un coup de peinture verte au sol m’aiguille enfin sur un petit chemin qui grimpe à ma gauche. Pas très engageant tout ça, tout seul en plein brouillard sur un sentier qui a l’air technique je me sens un peu refroidi !

La pente n’est pas trop violente, il y a pas mal de roche mais le terrain est stable, quelques névés viennent pimenter un peu les choses, encore une montée pour moi. Le chemin me fait grimper sur un névé alors que la chute semble interdite, je m’aide de mes bâtons pour enjamber la difficulté et continue ma route. Je me sens de plus en plus isolé sur ce chemin dans le brouillard, d’autant plus que le balisage n’est pas omniprésent. J’ai bien souvent le sentiment d’avoir loupé une bifurcation. Soudain j’entends un sifflement au-dessus de ma tête : des bouquetins me signalent qu’ils sont là ! De grands mâles, magnifiques ! Je passe juste en dessous d’eux en appréciant le moment comme il se doit, finalement je ne suis pas si mal dans le brouillard !

Le brouillard se lève, et soudain tout revient à la normale, le chemin est moins escarpé et je croise à nouveau des gens, j’ai l’impression de sortir d’un rêve. Je finis la montée vers le col sans sourciller, un bénévole m’attend en haut et me souhaite une bonne descente.

Je déchante un peu lorsque je bascule, il y a quelques névés et le chemin est fait de petits fragments de roche. Mes pieds déjà douloureux vont souffrir... Finalement non, l’accroche est bonne et j’ai presque une sensation de souplesse sous les pieds, chouette ! Je fais une bonne première partie de descente avant de retrouver un chemin normal qui m’emmène dans un vallon pour descendre le long d’un torrent. La pente est très douce et le chemin n’est pas très marqué, j’ai un peu de mal à suivre le balisage et je ne suis pas loin de manquer un virage qui nous fait traverser le torrent. Me revoilà avec les pieds trempés !

La chaleur commence à nouveau à se faire sentir, mon énergie diminue peu à peu. J’hésite à poser mon coupe-vent mais un excès de flemme m’en empêche, je me contente de l’ouvrir en me disant que je peux macérer dedans jusqu’au ravitaillement. La descente commence à se faire longue et monotone, j’aperçois la route du col face à moi, Bourg St Pierre ne doit plus être extrêmement loin. Dommage que mon GPS ne puisse pas m’aider…

Un petit coup d’œil à mon profil me rappelle qu’il y aura un replat plus loin dans la descente. Je pense y arriver lorsque je passe devant un chalet où des gens boivent l’apéro mais non, une petite relance et la descente reprend de plus belle. Je suis dans les alpages, il y a plein de vachettes valaisannes autour de moi. Je suis content de ne pas passer dans leur enclot, elles n’ont pas l’air très accueillantes… Après un virage me voilà face au tunnel du St Bernard alors que le chemin prend la direction d’un lac. Je me souviens l’avoir vu sur la carte, voilà mon replat ! Je vois de mieux en mieux le lac qui est en fait une retenue d’eau, le barrage me paraît particulièrement loin, tout d’un coup j’ai l’impression que Bourg St Pierre n’est pas si proche que ce que je pensais…

Je commence à souffrir de la chaleur alors que je longe le lac, courir devient de plus en plus difficile, j’alterne les phases de marche et les phases de course quand un coureur me dépasse en me demandant si tout va bien. Je lui réponds que j’ai un coup de mou, il me laisse sur place. Aie. Je vais avoir besoin de récupérer au ravito… Ce chemin au bord du lac me paraît sans fin, on enchaîne les petites bosses alors que le barrage semble toujours aussi éloigné. Seul petit rayon de soleil, il y a des fleurs partout, je n’ai jamais vu autant de lys martagons ! J’avance tant bien que mal en regardant la végétation et en essayant de faire abstraction de la route et peu à peu j’approche du barrage. Une dernière petite grimpette et me voilà arrivé. Ouf !

Verbier Saint Bernard

Le chemin descend à nouveau, un autre coureur me dépasse, j’arrive à m’accrocher derrière lui quelques temps mais je suis au bout du rouleau. Je marche dès que possible, la chaleur me rend nauséeux, je suis certainement en train de faire une hypo mais je n’ai plus envie de m’alimenter, il faut que je tienne jusqu’au ravito. Je commence à pester contre ces descentes interminables, j’espère voir des habitations après chaque virage mais rien ne vient. Heureusement que Laurence et Gaël seront là à m’attendre !

J’arrive enfin à Bourg St Pierre, la petite descente qui traverse le village jusqu’au ravitaillement me paraît bien longue… Me voilà au ravitaillement, Laurence n’est pas là, j’espère qu’elle ne va pas traîner… J’erre dans la salle à la recherche de quelque chose à manger mais rien de me fait envie, j’ai un peu la gerbe et la tête qui tourne un peu. On me propose une assiette de pattes, je décline, peut-être plus tard. Je vais d’abord m’asseoir et appeler Laurence. Tiens, un message. Laurence est restée à Fully avec Gaël pour qu’il se repose. Sage décision mais le coup de massue fait très mal, j’espérais vraiment trouver réconfort et soutiens. Je l’appelle pour lui donner des nouvelles mais je me sens à l’agonie, je suis extrêmement négatif, je veux abandonner et n’entend pas ses encouragements. Elle me dit de prendre le temps, de me reposer et de manger un peu mais mon cerveau pas très bien irrigué traduit tout en « bouge ton cul espèce de petite bite ! ». J’ai l’impression qu’elle refuse que je craque, qu’elle me pousse à y retourner coute que coute. Je m’énerve sur elle, je suis à deux doigts de pleurer, j’étouffe, j’ai des étoiles devant les yeux, je raccroche alors que je regrette déjà mes mots. Pour couronner le tout, tous les coureurs présent ont quelqu’un panser leurs plaies. Un coureur en face de moi a même son ravitaillement personnel : smoothie, petit plat, biscuits. J’ai l’impression d’être le roi des cons… J’ai le moral dans les chaussettes et plus une once d’énergie, je ne vois pas bien comment je vais pouvoir finir…

Laurence n’étant pas là, je n’ai pas moyen de transport sous la main pour rentrer, je suis coincé là pour un moment alors autant me reposer. Je me déshabille et vais récupérer mon sac d’allègement ainsi qu’une assiette de pattes. Pouah ! La sauce tomate est immonde et le fromage a un goût de vomi ! Je me force à manger un peu mais ça ne passe pas. J’ai sommeil, je m’effondre sur mon banc pour un petit roupillon. Je ne mets pas de réveil tellement il me paraît évident que je ne repartirais pas. Heureusement que l’alarme de ma montre m’incitant à boire est là pour me réveiller ! J’ouvre les yeux après un petit quart d’heure, je me sens un peu mieux mais mon ventre me fait mal. Je vais faire un tour aux toilettes et retourne grignoter un peu sur la table de ravitaillement. Cette petite pause a été salvatrice, le sucre a eu le temps de passer dans le sang et m’a permis de retrouver de la lucidité. Les choses me paraissent moins noires à présent : 11,7km / 1050d+ jusqu’à la cabane de Mille puis 11,6km / 1450d- jusqu’à Lourtier, je devrais pouvoir récupérer dans la montée et profiter de la nuit pour redescendre dans la vallée sans souffrir de la chaleur. J’ai un petit challenge qui me trotte dans la tête depuis Champex : terminer premier du départ de 3h00. Sam qui était arrivé au ravitaillement juste après moi repart, ça me titille trop, je vais tenter le coup !

J’appelle Laurence pour lui dire que j’y retourne, elle me promet de venir m’attendre à Lourtier. Mon courage me revient. Plus qu’à m’occuper de la logistique : je change de tshirt, je retire mes yacktrax du sac et j’emmène une petite veste légère pour la nuit. Je change le réglage de ma montre pour pouvoir à nouveau compter sur elle, pas sûr que ma batterie aille au bout mais mieux vaut une montre précise jusqu’à Lourtier plutôt que du grand n’importe quoi jusqu’à l’arrivée. Je fais le plein de mes bidons, picore encore un peu de charcuterie et me remets en route. Je quitte le ravitaillement en marchant tranquillement sur un bout de route tout plat. Mon corps a refroidit mais mes muscles ne sont pas encore raides, seules mes douleurs aux pieds sont exacerbées, vivement qu’ils chauffent à nouveau… J’essaie de trottiner sur le plat, le corps n’a pas l’air de trop rechigner, mon moral remonte en flèche. Je coure jusqu’au début de la montée puis reprends ma marche, ma montre m’indique un kilomètre en 8 minutes environ, enfin un chiffre cohérent ! J’ai l’impression de revivre ! J’ai beau aimer courir à la sensation, sur ce type d’épreuve j’ai besoin de pouvoir estimer précisément l’effort qu’il me reste à fournir pour avoir l’esprit libéré.

Le chemin monte plus que ce à quoi je m’attendais et c’est tant mieux, j’aurais moins l’impression de stagner. J’avance d’un bon pas à présent tandis que je scrute la montagne afin de deviner où nous allons. Mon rythme est bon, ma montre m’indique une vitesse ascensionnelle proche des 1000m/h, mes déboires sont derrière moi à présent, je ne cogite plus et toutes mes pensées sont tournées vers cette montée. Je vois que je suis en train de revenir sur Sam qui n’a pas l’air au mieux. Je le dépasse avec quelques encouragements et m’arrête un peu plus loin auprès d’une source où je m’arrose à nouveau et refais le plein d’eau. Le chemin est très roulant à présent, je relance un peu, mes jambes tournent de mieux en mieux, une nouvelle fois j’ai l’impression de me régénérer dans cette montée. Cette journée est vraiment étrange, je reprends des forces en côte et agonise en descente…

L’ascension n’a rien de difficile, une pente douce ponctuée de quelques relances. Les kilomètres passent assez vite, j’avais prévu 2h45 pour cette portion mais je commence à penser que je vais y arriver plus vite. Deux daims traversent le chemin devant moi, toute la montagne est  en fleur, il y a des rhododendrons partout et les sommets enneigés me dominent, c’est magnifique. J’ai l’impression d’être sorti de la zone rouge, de voir à nouveau, d’avoir repris goût à ce que je fais. J’arrive aux alentours de 2200m, le sommet étant à 2401m je commence à chercher la cabane du regard mais je n’en vois pas la trace. Le sentier bifurque à gauche en direction d’un petit col qui grimpe doucement. Arrivé à ce col j’ai l’impression de faire face à la même vision qu’il y a 10 minutes : le même petit col me fait face après une courte descente. Arrivé à ce deuxième col c’est la même vision qui m’attend, j’ai l’impression de devenir fou ! D’après le GPS il me reste 1,5km, rien d’anormal donc. Je passe ce troisième col et découvre enfin le refuge qui m’attend après un quatrième col du même acabit ! Un coureur est en train de marcher un peu plus loin, plus j’approche et plus je constate qu’il a l’air dans le dur. Le chemin étant assez roulant je trottine jusqu’au ravitaillement, le jour est en train de tomber mais je l’ai atteint avant la nuit. Malgré ma défaillance à Bourg St Pierre j’ai une belle avance sur mes prévisions, les 22h sont toujours jouables !

J’arrive sous la tente et Ô surprise, il y a quand même quelques bricoles à grignoter sur ce ravitaillement liquide ! Je mange quelques crackers et refait le plein en eau et en sirop. Si celui de la cabane d’Orny était bien dosé, tous les autres ravitos ont fait un mélange insipide, ce goût commence à m’écœurer mais c’est toujours mieux que la boisson au citron vert. Je discute un peu avec les bénévoles tandis que le coureur que je viens de dépasser nous rejoins, il a l’air lessivé. Une bénévole nous dit que nous avons l’air en forme, les coureurs du 73km qui sont passé un peu plus tôt étaient cuits, certains ont même vomi. Mon moral ne cesse de grimper. Je remercie tout le monde et repars en direction de Lourtier. 11,6km de descente avec pas mal de dénivelé, elle devrait mieux passer que la précédente !

Verbier Saint Bernard

J’avais prévu 1h40 pour cette portion, la difficulté ne doit donc pas être très élevée. Je commence à descendre calmement avant de commencer à accélérer peu à peu, les sensations sont bonnes, les kilomètres passent assez vite et le chemin me convient bien : assez technique pour ne pas s’ennuyer tout en étant sans grosse difficulté. La nuit commence à tomber et je m’amuse à repousser le plus possible le moment où je sortirais ma frontale. Je prends mon pied sur ce chemin, mes jambes tournent de plus en plus vite dans cette course contre l’obscurité. Je finis par m’arrêter alors qu’une pancarte m’indique de tourner à gauche pour suivre l’itinéraire du 110km. Mieux vaut ne pas se planter sinon je signe pour une dizaine de kilomètres supplémentaires !

J’allume ma frontale et me voilà reparti. Mon rythme baisse rapidement, les reliefs ressortent différemment et mon œil a du mal à accommoder. J’ai pourtant l’habitude de courir de nuit mais là ça ne veut pas. Je ne sais pas si c’est la fatigue qui m’empêche de me concentrer ou si c’est la lumière résiduelle qui perturbe ma vision mais c’est très dérangeant… le cinquième kilomètre de descente bipe à ma montre, effectivement ça va sensiblement moins vite…

J’essaie de suivre le chemin mais le balisage est de nouveau léger depuis que nous avons quitté le parcours commun avec le 73km. Mon rythme baisse petit à petit et je commence à nouveau à me sentir nauséeux. Je quitte le sentier technique pour retrouver une piste carrossable, je vais pouvoir remettre du rythme ! Plus que 5km, je ne devrais plus tarder à arriver au ravitaillement. Mes jambes tournent correctement et je passe un kilomètre à plus de 10km/h, rien d’exceptionnel mais voilà bien longtemps que ça ne m’étais plus arrivé ! Encore 4km à tirer mais le rythme me paraît dur à tenir, mon ventre me fait souffrir, j’ai le cœur au bord des lèvres. Il a beau faire nuit la chaleur revient me faire des misères…

Les kilomètres me paraissent de plus en plus longs, j’ai besoin d’une pause. Je marche une centaine de mètre avant de recourir. Mon état empire rapidement. Je marche encore un peu, j’essaie de recourir mais j’ai le cœur au bord des lèvres. Je me force à trottiner 300m mais j’ai la sensation d’aller moins vite qu’en marchant. Me revoilà dans une spirale infernale, mon moral est en chute libre. Il faudrait que je m’alimente mais plus rien ne passe, même l’eau me dégoûte. Je m’acharne à essayer de courir un peu mais rien n’y fait, je suis au bout du rouleau. Je suis même au bout du deuxième rouleau. Pas sûr d’en avoir un troisième… Un détail vient m’achever : je vois des frontales sur la montagne face à moi, c’est la montée de la Chaux. Gloups. J’ai beau savoir qu’il y a 1200m de dénivelé depuis Lourtier, j’ai l’impression d’être face à l’Everest. C’est haut, terriblement haut. Jamais je n’aurais la force de grimper ça. Ma course s’arrêtera à Lourtier… A présent chaque mètre me semble être une bataille, mes pieds me brûlent comme jamais, je n’ai plus aucune énergie et la nausée ne me lâche plus. J’ai l’impression d’espacer les regards que je jette à mon GPS mais il n’y a jamais plus de 50m de progression. Je suis au bord des larmes.

C’est en vaincu que j’arrive enfin dans Lourtier, le pas lourd, la tête basse et les paupières mi-closes. J’avance au radar en pestant tout ce que je peux encore. J’en ai marre, il faut que ça s’arrête. Je n’y retournerais pas. Je vais changer de sport. Non, je vais arrêter le sport. Les coureurs du 73km marchent plus vite que moi, même ça je n’y arrive plus…

J’aperçois Laurence, je l’appelle avec ce qu’il me reste de voix. Elle me demande comment ça va, les vannes s’ouvrent. Je vais mal, très mal, je ne vois pas comment je pourrais repartir. C’est tout juste si j’ai encore la force de parler. Laurence essaie de me rassurer mais j’ai perdu une grande partie de ma lucidité, le peu qu’il me reste est relégué à l’arrière-plan, j’ai l’impression qu’un enfant capricieux  de 6 ans a pris le contrôle de mes émotions. Elle a beau chercher à me rassurer, m’inciter à prendre le temps de récupérer, le petit Thomas a peur d’y retourner et ne veux rien entendre. Je me lève pour aller chercher quelque chose à manger mais la table a été dépouillée par les coureurs du 73km, rien ne me fait envie. Un bénévole est en train de préparer du risotto, je sens que ça me ferait du bien mais il me dit qu’il sera cuit dans 10 minutes, le peu d’espoir que j’avais encore vole en éclats. Je retourne voir Laurence, brisé tant physiquement que moralement, je ne sais plus quoi faire. Elle me dit de profiter de ces 10 minutes pour aller dormir. Instant de réflexion. J’ouvre la bouche, le petit Thomas veut protester mais ne trouve rien à rétorquer. Mouché, je vais m’allonger dans la salle de repos et m’effondre, les membres en X. Je suis tellement bien ! Je vais passer la nuit ici. Ces minutes de calme me font du bien, je retrouve un peu de lucidité. L’alarme de ma montre me maintient éveillé et je me lève après une vingtaine de minutes de repos. Je retourne voir Laurence lui dire que malgré le repos je ne me sens pas mieux physiquement. Il faut que je m’alimente, le risotto est prêt, je prends une petite assiette et m’installe sur une chaise. Mon ventre se retourne à la vue de le crème et du fromage, je confie mon assiette à Laurence et titube jusqu’aux toilettes où je rends trippes et boyaux. Je ne vomis que de l’eau par grands geysers. Au moins cette fois je sais à quoi m’en tenir, je vais pouvoir retourner me coucher… C’est étonnamment mieux que je sors des toilettes, j’ai l’impression d’avoir rebranché mon cerveau ! Le risotto me fait envie à présent, je l’avale avec appétit. Mes forces me reviennent ! J’ai encore la dalle, je vais chercher une deuxième assiette, plus grosse cette fois, que j’agrémente de tranches de viande des grisons. J’engloutis tout ça en un rien de temps. L’espoir renaît ! Laurence m’encourage à repartir, le petit Thomas fait une dernière envolée lyrique de protestation mais je sais au fond de moi que je vais y retourner. Je refais le plein de boisson, me réhydrate un peu après les flots d’eau que je viens d’évacuer et renfile mon sac. Je sens le risotto agir, le courage m’est revenu, c’est le déclic. Non seulement je vais y retourner mais je vais mettre toutes mes forces dans la bataille, je vais accrocher cette X-Alpine à mon tableau de chasse, elle va voir comment je m’appelle ! Laurence marche sur le pied d’un coureur du 73km, je n’ose même pas imaginer la douleur… Je plaisante un peu avec lui histoire de détendre la situation, je lance une boutade à Laurence et j’y retourne. Je lance la Chaux final.

J’avais peut-être le moral regonflé à bloc en partant du ravitaillement, maintenant que je suis tout seul dehors je ne fais quand même pas bien le malin… Au moins mes pieds me font moins mal que tout à l’heure. Autre point positif : tout va bien physiquement, pas de blessure, je sens de la puissance dans mes cuisses et les crampes me paraissent à des années lumières. Si je ne coince pas dans la montée j’irais au bout. 1200m sur 5,5km, ça va piquer mais en prenant mon temps je suis persuadé d’en être capable. Un premier coup de cul me permet de voir que si je ne suis pas au sommet de ma forme je suis tout de même capable de monter tranquillement. J’arrive à courir sur un petit tronçon plat et me voilà au pied du mur.

Mes muscles ont eu le temps de re-chauffer un peu et le risotto continue de se diffuser dans mon organisme, je me sens de plus en plus fort ! Les coureurs du 73km sont avec nous à présent, fini la solitude ! J’en dépasse immédiatement deux en poussant fort sur les cuisses, la pente est raide mais moins terrible que ce à quoi je m’attendais. L’altimètre m’indique un tempo entre 850m/h et 1100m/h, c’est bien plus qu’espéré ! Maintenant il s’agit de le tenir jusqu’au sommet… Je vais appliquer la même tactique qu’à la fin de la TDS : faire une pause d’une minute tous les 100m d’altitude tout en mettant ce temps à profit pour m’hydrater et fermer les yeux si besoin. Je fais l’impasse sur la première pause, me sentant suffisamment frais pour le moment. Je dépasse régulièrement des coureurs qui ont l’air encore plus épuisés que moi, c’est bon d’avoir enfin des gens à doubler ! Je commence à peiner un peu, je ferais ma première pause à 1350m, il restera 900m à gravir ensuite, j’aime les comptes ronds. Je m’accroche encore un peu en regardant autant mes pieds que mon altimètre, ça y est, première pause ! Ayant compris que c’est le trop plein d’eau qui m’a fait vomir c’est avec appréhension que je prends une gorgée. Mon ventre ne se révulse pas. Espérons que ça dure…

Je reprends ma marche en dépassant quelques coureurs, je sens que la pause m’a redonné un peu de fraicheur, le rythme n’a rien de grandiose mais je n’ai pas la sensation d’être dans le dur en permanence. 1450m, déjà ¼ de l’ascension derrière moi. Je me risque à boire un peu de sirop, ça passe également. Je reprends ma marche, je dépasse toujours régulièrement, tout le monde souffre mais j’ai la sensation de me régénérer à mesure que l’altitude augmente. 1550m, mon rythme commence à se rôder. Je ferme un peu les yeux en égrenant mes 60s dans ma tête. Mauvaise idée, j’ai la vision troublée et l’esprit embrumé en repartant. J’ai beau avancer correctement, cette montée n’est pas évidente pour autant. Si les premiers 50d+ passent assez bien, les 50d+ suivant se font sentir et c’est avec plaisir que je prends ma récup. 1650m, une moitié de faite. Encore 600m, un col de tricot. Cette fois c’est sûr, j’irais au bout. Ma montre m’indique un kilomètre en 21 minutes, je suis bluffé, j’avance vraiment bien malgré les pauses ! 1750m, la soif se fait plus pressante mais j’ai suffisamment d’eau pour tenir le coup. 1850m, plus qu’un tiers de l’ascension à avaler. La fraîcheur commence à se faire sentir, je continue de monter en puissance, les pauses me semblent de moins en moins nécessaires mais je continue à les prendre pour ne pas gripper la machine. 1950m, plus qu’un quart ! Les coureurs commencent à tomber comme des mouches autour de moi. Je reprends un coureur du 110km, mon moral maintenant au beau fixe monte encore un peu. Je vais être en haut bien plus vite que prévu ! 2050m, dernière pause avant le sommet ! J’ai l’impression d’avoir des ailes à présent, plus rien de peut m’arrêter.

La dernière portion est plus courte que prévu, à 2100m j’arrive sur un replat, le ravitaillement est visible au loin, il doit rester environ 2km. Je profite de ma forme retrouvée pour courir un peu dans cette partie roulante, mes jambes sont de retour, quel pied ! Je perds rapidement le ravitaillement de vue mais je continue d’avancer aussi vite que possible, j’ai l’impression de fondre sur les frontales que je vois au loin. Le chemin grimpe à nouveau en pente douce, je marche d’un pas conquérant, je sais que plus rien ne peux m’empêcher de terminer la course à présent. J’ai l’esprit libéré d’un énorme poids, plus besoin de gérer, je peux me concentrer sur mon plaisir et savourer. Le chemin serpente, je dépasse encore quelques coureurs tout en relançant dès que possible. Je vois des éclairs crépiter au loin sans entendre le grondement du tonnerre. Il semble très lointain mais en montagne on ne sait jamais, voilà une bonne raison de faire une bonne descente ! J’arrive enfin à l’ultime ravitaillement, je grignote un peu en discutant avec une bénévole avant de repartir avec un litre d’eau au cas où. Je remercie tout le monde et ressort. L’arrêt a été bref et efficace.

Plus qu’une descente à avaler ! Je repars prudemment, les sensations sont bonnes, les jambes tournent encore bien et je n’ai mal nulle part. Il me reste 6,4km, 70d+ et 850d-, si tout va bien j’ai prévu un peu moins d’une heure pour arriver à Verbier, si j’évite le coup de pompe ça me semble faisable. J’accélère sur le chemin carrossable avant de retrouver un vrai sentier de montagne, ça tortille dans tous les sens sans être très technique. Je dépasse des wagons de coureurs du 73km, ma cadence est bonne, je me laisse griser par cette bonne dynamique. Ma montre m’indique que sa batterie est presque vide, encore une raison d’arriver vite à Verbier ! Le chemin est suffisamment technique pour m’empêcher d’aller bien vite, je commence à douter de terminer en moins d’une heure mais je suis bien déterminer à tout faire pour arriver en bas le plus vite possible.

J’entre en forêt, je me sens de plus en plus rapide et léger, je sautille entre les racines, je n’ai pas pris autant de plaisir en descente de tout le parcours ! Il reste environ 3km et le chemin remonte un peu, je me sens tellement déborder d’énergie que j’avale la quasi-totalité de la bosse en courant avant de replonger en direction de Verbier. Les lumières de la ville sont toutes proches, plus que quelques minutes à tenir ! J’essaie de ne pas retomber dans un faux rythme, je relance dès que je sens mon rythme baisser, je me nourris des coureurs que je dépasse. Je ne pense pas avoir été si rapide à un autre moment de la course, si je revois le bénévole au risotto je l’embrasserais sans hésiter ! Je débouche d’un dernier chemin et me voilà en ville, je reprends un coureur du 110km avant de dévaler quelques marches et de passer un point de contrôle : je suis dans le dernier kilomètre ! Mon rythme me paraît déjà très bon mais j’ai encore envie d’accélérer, la route descend tranquillement, j’en profite pour augmenter l’intensité. Je vais de plus en plus vite, si l’émotion m’a rattrapé un peu plus tôt, à présent je jubile, je me régale de ces ultimes sensations, j’ai l’impression que la fatigue m’a presque déserté ! Un dernier virage, une dernière relance et me voilà face à la ligne d’arrivée. Je lève le bras en passant devant Laurence, Gaël et quelques accompagnants et je file passer l’arche d’arrivée. Ca y est, c’est fait !

Je vais picorer un peu, retirer mon cadeau finisher et vais retrouver Laurence au petit trot. Plus qu’à profiter !

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