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Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Publié 15 Juillet 2013 par Tom in ultra, trail, montagne

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Voilà, l'UTTJ c'est fait! A présent que les jambes ont bien ramassé c'est au tour des doigts de se mettre au boulot, et la tâche ne va pas être aisée: 110 bornes sans compter une nuit en bivouac, la tâche va être rude!

Bref, après quelques gros mois d'entrainement (sans bobos!), notamment 4 jours dans les Cévennes qui m'auront été d'un fier service et de gros résultats en juin me voilà arrivé en fin de mois à l'état que je recherchais: complètement cuit mais avec une caisse d'enfer.

Plus qu'à lever le pied au cours des 15 derniers jours: au programme 3 sorties la première semaine dont ma dernière très chouette sortie longue dans mes collines chalonnaises (34Km / 1150D+) avec de bonnes sensations, cependant la pression commence à monter tout doucement...

Et voici venue la semaine de repos tant attendue pour conclure cette préparation (un petit footing et une sortie vélo tout de même, faut pas pousser!)

Ça y est, nous y voilà après plus de trois mois de préparation acharnée, il est temps de prendre la route de St Claude pour mon gros objectif de l'année: 110Km et 6500m de dénivelé en deux étapes, 53.3Km / 3800D+ le premier jour et 55Km / 2700D+ le second (un peu plus au GPS)! Une course qui s'annonce superbe, palpitante, difficile et dans laquelle il faudra être capable de récupérer un maximum dans un court laps de temps... Le pied!

Vendredi 12 Juillet, me voici arrivé au pays de la pipe et du diamant (ça s'invente pas...), jolie petite ville encerclée par les montagnes. Je fais face à mes démons du lendemain: les Monts Bayard et Chabot ainsi que le crêt pourri. Vues du bas, les montées ont l'air rugueuses, je commence à angoisser sérieusement!

Pas de temps à perdre, je file prendre possession de ma chambre à l’hôtel St Hubert. Je suis à moins de 500m de l'arche de départ, ca devrait le faire! Je prend la clé et fonce chercher mon dossard sur la place de la cathédrale. Celle-ci est bâchée pour travaux, c'est vraiment dommage...

Première frayeur du week-end lorsqu'un bénévole me demande mon numéro de dossard: je cherche mon nom sur le listing mais ne m'y trouve pas! Après un petit coup de chaud je m'aperçoit que non seulement les noms ne sont triés par ordre alphabétiques mais il manque également le second feuillet! Ouf, me voilà: dossard 87, mon année de naissance, cool! Je récupère finalement mon petit sac de course, tout y est: dossard, tickets pour les repas de vendredi, samedi et dimanche, un nouveau tshirt pour agrandir ma collection et les immanquables prospectus, évidement! Cette fois je file à l’hôtel et décharge la voiture: c'est que ca en fait des sacs! Entre le gros sac de voyage, le petit sac de sport pour le bivouac et le sac à dos me voilà chargé comme une mule... Je couche au 5ème étage de l’hôtel, heureusement que celui-ci est équipé d'un ascenseur!

Le décors est ultra-vieillot mais c'est aussi ce qui fait le charme du coin, bien reculé au fin fond des montagnes, ça sent les vacances tout ça! En ouvrant ma fenêtre je me retrouve nez à nez avec le Mont Chabot, il me poursuit ou quoi? Déjà que Yann m'avait prévenu qu'il était sacrément raide...

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Me voilà partagé entre appréhension et excitation, je vérifie une nouvelle fois mes sacs (course et bivouac) afin de ne rien oublier tout en préparant ma tenue de course: il va faire chaud, très chaud! Je courrais en short / tshirt et sans manchons, sans oublier le buff, la casquette et les lunettes. J'organise mon sac à dos de façon à avoir tout sous la main rapidement: un gobelet dans la poche avant gauche, un petit assortiments de gels, pâtes de fruits et d'amande, barres de céréales et nougat dans la droite ainsi que des réserves de solides dans les poches latérales. Devant cette avalanche de sucre j'opte pour une poche remplie d'eau plate, sur la distance et pendant deux jours je risque de ne plus pouvoir voir le sucre en peinture... Pendant que je prépare mon sac je reçoit un appel de Christophe qui m'encourage, ça me fait super plaisir et je me sens un peu plus léger. Tout est prêt et c'est l'heure de la pasta party: à la soupe!

Arrivé sur place, le moins qu'on puisse dire c'est que je suis bien accueilli, les gens sont souriants et leur bonne humeur est communicative. Les jurassiens font honneur à leur réputation, on se demande si les portions sont réservées à des coureurs ou a des bûcherons! Au menu melon, spaghettis bolognaise, morbiers et mousse au chocolat (super bonne!). Je ne fais pas la fine bouche et ne laisse rien dans l’assiette, hormis les 250g de pâtes ingurgitées à midi, les derniers jours ont peut-être été un peu light... Je n'oublie pas de m'hydrater et embarque une bouteille d'eau, j'ai déjà avalé près de 2,5L aujourd'hui d'eau dont 1,5 coupé avec de la malto (pas sûr ce que cela change quoi que ce soit mais sait-ont jamais)... Je mange avec un coureur du coin, pas tout jeune et assez sympathique (j'apprendrais plus tard qu'il est le doyen de la course). Tout le monde semble le connaitre, j'ai un peu la sensation d'être le seul clampin à ne connaître personne ici. Nous discutons de l'état du terrain, il me prévient que les descentes du Crêt Pourri et du Mont Chabot risquent d'être assez grasses, me voilà prévenu...

Le ventre bien rempli, retour à l’hôtel pour une bonne nuit de repos! Avant de me coucher je regarde une dernière fois les messages d'encouragements qui m'arrivent d'un peu partout, je vais courir seul mais j'aurais du monde derrière moi! J'ai également un message de Yann qui se propose de m'appeler pour qu'on discute stratégie, j'ai bien étudié le parcours du samedi et nous en avons encore discuté la semaine passée en rentrant de Lausanne, je pense être au point. En revanche je n'aurais rien contre un briefing avant la seconde étape, je lui passerais un petit coup de fil demain en arrivant. Grâce à tout ces soutiens me voilà le moral gonflé à bloc, prêt à la bagarre!

(Encore un grand merci à toutes et tous, vous m'avez été d'un immense secours dans les moments difficiles!)

J'avais programmé le réveil pour 5h40, finalement me voilà debout à 5h35, l'excitation est trop grande! Je suis tout de même surpris, j'ai passé une super nuit, sans stress, je me sens bien. Vite, direction le petit dej! Lorsque j'arrive dans la salle je trouve celle-ci envahie de coureurs, je n'avais pas vu grand monde hier soir mais aujourd'hui ca grouille, tout le monde est en tenue, paré à partir. Je me trouve une petite table dans un coin et ne change pas grand chose à mes habitudes: quelques tartines, un petit bol de chocolat et un grand verre de jus d'orange. L'ambiance a l'air bonne, je reste pour ma part dans ma bulle, je repasse dans ma tête le profil de la première étape et essaie de bien mémoriser les altitudes et les kilométrages pour éviter toute surprise.

Cette fois je suis fin prêt, je descend les sacs inutiles à la voiture et n'oublie pas mes bâtons, ils risquent de s'avérer utiles... Plus qu'à rejoindre la ligne de départ pour poser mon sac, un dernier passage aux toilettes histoire d'aborder la journée sereinement et en avant pour le topo d'avant course. Samuel Prend la parole et nous explique brièvement par où nous allons passer, il nous rappelle surtout qu'il va faire très chaud et que le point clé de la journée sera l'hydratation, ça j'étais au courant! Et comme m'a dit Yann, contrairement à une course classique où on pourrait se permettre de terminer déshydraté et cassé de partout, là il faut veiller à terminer la première étape dans un état correct pour être capable de repartir le lendemain... Sam nous donne également quelques raisons de nous accrocher aujourd'hui dans les moments difficiles: la journée de dimanche s'annonce superbe avec une grande portion sur les crêtes des Monts Jura, ce soir nous auront droit à une conférence sur le trail donnée par le vainqueur de la première édition, et des danseuses orientales viendront faire le show en fin de soirée.

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

La première étape s'annonce monstrueuse: cinq longues ascensions et beaucoup de kilomètres sous un soleil de plomb. Nous passerons successivement le Mont Bayard, puis le Crêt Pourri avant de redescendre sur Saint Claude pour un ravitaillement. Ensuite il faudra filer en direction de Mijoux où le bivouac nous attend, mais avant cela il faudra en découdre avec le fameux Mont Chabot puis Roche Blanche (impressionnante sur le papier!). Enfin il restera une dernière montée à travers le bois du Goua pour finalement conclure la journée par une petite descente tranquille sur notre lieu de villégiature tant espéré...

Après ma déconvenue des Allobroges qui présentaient un peu le même profil que l'étape du jour, certainement due aux conditions infernales et à mon manque d'équilibre en terrain boueux, je suis assez frileux quant à la difficulté de l'épreuve. Je préfère jouer la carte de la prudence en ne visant pas une place exceptionnelle, si je parviens à terminer dans les 25 à 30 premiers je serais déjà très satisfait! La course se déroulant sur deux jours, l'une des clés sera la récupération, comme me le disait Christophe la veille: gère ta course de samedi et dimanche montre leur qui c'est le boss! Le plan me va bien: aujourd'hui on y va cool! (Evidemment, avec un dossard sur le cuissot, tout change radicalement...)

Après le petit speech de Samuel, voilà que la musique de l'UTTJ est lancée: ambiance bal musette sur la place au son de l'accordéon, ca change des U2 de la SaintéLyon et autres Vangelis de l'UTMB! Ca y est, je sens la pression monter! Je regarde un peu les dossards autour de moi: les organisateurs ont eu la super idée d'inscrire le nombre d'UTTJ de chaque coureur. C'est le premier pour moi, d'autres en sont à leur troisième en autant d'éditions, une bonne cinquantaine apparemment, outch pas des débutants! Je me place sur la ligne, pas trop devant tout de même, j'ai l'impression d'être entouré de tueurs qui vont me ridiculiser dès la première ascension... Il faut dire que cette année le plateau est relevé! Lucas Humbert, Florian Racinet, Sangé Sherpa, Yannick Pierrat, Christophe Perillat, et d'autres que je ne connais pas... Bref du beau monde! Moi je vais prendre cher...

3... 2... 1... C'est parti, les fauves sont lâchés! On ne s’embarrasse pas d'un tour de chauffe: droit dans la côte! Nous grimpons rapidement au dessus de St Claude, précédé par l'organisateur de la course qui nous montre le chemin à vélo. Déjà le ton est donné, une bonne partie des coureurs est parti sur les chapeaux de roues, une féminine lancée comme une furie est en tête, étrange. Je ne m'affole pas, 53Km c'est long, j'aurais largement le temps de reprendre ces fous furieux, pour l'instant je préfère me contenter de préserver quelques forces, même si je mets de l'intensité afin de ne pas être trop distancé d’emblée...

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Nous empruntons quelques temps les petites rues du haut de Saint Claude avant de tomber sur les premiers chemins. Certains semblent partis pour courir autant que possible, j'opte pour un peu de marche et en profite pour boire un coup. Rapidement la masse de coureurs s'étire alors que nous passons sous les arbres pour la première montée digne de ce nom: il est l'heure de sortir les bâtons. Premier constat: les jambes répondent bien, je monte aisément, presque sans effort tandis que certains commencent déjà à souffler. Nous débouchons dans une petite étendue d'herbe qui monte dur avant de repartir dans les bois puis de couper une route.

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Pour l'instant je ne vais pas bien vite, difficile de courir dans cette montée pas évidente, les portions roulantes ne sont pas monnaie courante et je tourne aux alentours des 6Km/h. Après avoir entraperçu un village nous repartons dans les bois pour en terminer avec le Mont Bayard et ses 500m de dénivelé. Les positions commencent à se stabiliser, je ne me fais plus dépasser de tous les côtés et je commence à reprendre quelques coureurs peut-être trop présomptueux. Je me cale dans la roue d'un coureur qui grimpe à un rythme régulier que je trouve assez reposant, cela me permettra de relancer sans problème une fois au sommet. Le chemin est assez escarpé à présent et n'est pas très large, c'est technique comme j'aime, il faut un peu lever les genoux. Au frais sous les arbres, les jambes en bon état (pour le moment) je me régale! Seul un coureur plus de la première jeunesse parvient à nous reprendre, il me fait un peu flipper: il souffle beaucoup et son équipement me laisse pantois: il n'y a pas de gobelet sur l'UTTJ, par conséquent il faut emmener le sien; tandis que j'ai opté pour un gobelet en plastique qui se glisse parfaitement dans l'emplacement à bidon de mon sac, ce coureur a privilégier une tasse de camping en alu, accroche à l'avant de son kamel et qui vient le cogner à l’aine à chaque pas, j'ose à peine imaginer les douleurs qu'il aura ce soir! Toujours est-il qu'il grimpe le bougre!

Nous voilà au sommet, quelques spectateurs nous attendent là et nous encouragent. Je profite des singles qui s'offrent à nous pour dépasser mon collègue d’ascension avant de filer dans la descente. L'homme à la tasse en alu me précède de quelques dizaines de mètres que je lui concède bien volontiers.

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Après une courte descente technique annoncée d'une pancarte "descente abrupte" je peux enfin laisser mes jambes dérouler un peu après 4Km de course. Je remonte rapidement sur un petit groupe et j'engage la conversation avec un coureur du coin qui en est à sa troisième participation, il m'explique brièvement les prochains sites que nous allons traverser, la fontaine aux oiseaux, le Crêt Pourri... Pendant ce temps là le tracé emprunte des chemins assez amusants: alors que nous suivons une piste carrossable assez roulante nous coupons régulièrement à travers les arbres dans des chemins assez techniques pour éviter les zigzags. Tout va pour le mieux, je pense à boire régulièrement et les jambes sont toujours bien fraîches, le moral est au beau fixe!

Une pancarte "Fast Food" nous indique le premier ravitaillement en bas de la descente, j'en profite pour descendre deux verres d'eau, avaler deux quartiers d'orange et un gros morceau de brioche au chocolat. Je repars le ventre plein, un petit rototo pour évacuer les bulles de l'eau gazeuse et en avant vers le Crêt Pourri!

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étapeUn Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Mon ami de tout à l'heure repars un peu devant moi, j'ai lâché le reste de mon petit groupe dans la fin de la descente, nous discutons brièvement avant que je ne passes devant. Me voilà seul à présent, avec en point de mire l'homme à la tasse en alu qui a trouvé un compagnon de route. Ils grimpent tout deux devant moi à un bon rythme, je grappille mètre après mètre dans les passages assez pentus pour finalement recoller dans une portion un peu boueuse. Les deux semblent se connaître, ils papotent et m'ignorent superbement lorsque je m’intercale entre eux. Ils semblent même un peu piqués au vif et remettent une accélération alors que le terrain s'aplanit légèrement. Rien ne presse, je les laisse s'énerver et continue ma marche en relançant quand le chemin le permet. Je les garde en ligne de mire à une petite centaine de mètres devant moi.

La montée est assez ombragée, je ne souffre pas encore de la chaleur, tout va bien. Je continue de boire régulièrement sans trop forcer dans la grimpette en surveillant l'altimètre. Après un départ assez costaud, le pourcentage diminue et ma vitesse augmente sensiblement par rapport au Mont Bayard. Apparemment il y avait des joueurs de trompe au ravitaillement, je les ai manqués mais j'en profite à présent: le son porte sacrément dans les montagnes! Nous arrivons sur les hauteurs du Crêt, 1050m au GPS, il doit rester environ 80m à avaler. Le haut de la crête oscille entre montée et descente sur un single assez agréable, je repasse en mode course et recolle très vite sur mes deux zigotos de tout à l'heure, cette fois ils ne parviendront pas à me faire lâcher prise.

Nous sortons du sous-bois pour profiter de la vue imprenable sur le Jura, un véritable régal pour les yeux, j'en oublie même de surveiller mes pieds et trébuche sur une pierre. Pas de bobo sur ce coup là mais il va falloir veiller à rester entier! Terminé le panorama, nous retournons déjà dans les bois, dommage... Finis de rire, on rentre à St Claude! C'est parti pour 10Km de descente, on m'a vendu celle-ci comme assez grasse, méfiance! Je dépasse tout de suite le coureur à la tasse pendant que son ami file devant. La première partie de la descente n'est pas évidente mais je m'en sors sans difficulté, la foulée est souple et légère, je sautille de pierre en pierre sans sourciller.

Avant une petite remontée nous croisons un ravitaillement non planifié, des bénévoles nous attendent à un carrefour avec des carafes d'eau. Je ne manque pas de m'arrêter et avale un grand gobelet avant d'attaquer le coup de cul. Celui-ci n'est pas bien méchant, la suite est beaucoup plus roulante avec un long chemin à flanc de montagne toujours sous le couvert des arbres. Mon entrainement sur route parle pour moi et ma vitesse naturelle revient au galop, je remonte ainsi petit à petit sur un groupe de quatre coureurs. Cette fois je suis complètement dans ma bulle, les kilomètres passent vite sans que je ne m'en rende compte, ce chemin en sous bois est très grisant! Tandis que nous continuons la descente j'entend un bruit d'essaim au dessus de ma tête, ah non, c'est juste la ligne à haute tension qui passe là, ouf!

L'un des coureurs du groupe devant moi s'arrête aux stands, je recolle sur les trois autres avant de sortir de la forêt et nous voici face à un choix cornélien: deux itinéraires nous sont proposés, un cool et un hard. Bon, on a signé pour en baver non? Va pour le hard! Je double encore deux coureurs et nous nous retrouvons à deux après avoir fait un petit trou. Nous commençons à discuter un peu quand la fin de la descente rejoins le chemin carrossable "cool", finalement je suis plutôt content d'être passé par là, je me suis bien marré!

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Je lâche mon dernier compagnon de route avant de filer tout droit sur Saint Claude. J'aperçois les premières maisons puis bifurque sur le stade tandis qu'un coureur fait des tours de piste. Sans moi, le ravito m'attend! Je revois les vidéos de l'année passée de Yann, ça y est, j'y suis! Une petite descente d'escalier et je traverse une route pour emprunter un chemin qui me conduit au bord de la rivière, tout en bas de Saint Claude. C'est très agréable ce petit chemin tout plat, mais le ravitaillement étant devant la cathédrale, il va falloir remonter bientôt... Je croise des coureurs du dimanche samedi en train de faire leur footing, une dame en train de partir faire ses courses et des enfants en train de s'amuser, tout ce petit monde ne manque pas de m'encourager. Je traverse une passerelle et c'est parti pour la montée de la cathédrale! Une petite pancarte "Soif?" indique le ravito . La côte est raide, je marche. Un relayeur me rattrape et se mets à marcher à mes côtés à 200m de son arrivée. Je lui fais signe qu'il peut faire dernier un petit effort "Aller, quand même, pas maintenant!" Il me répond qu'il est cuit et me félicite. Il repars finalement au petit trot au sommet sous les applaudissements du public. Samuel vient prendre mon numéro de dossard alors que j'arrive et m'explique que certains coureurs ont pris un raccourcis et sont arrêtés au ravitaillement. Moi j'ai le droit de boire un coup et de continuer, ouf!

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Vite, pas de temps à perdre: je refais le plein de mon kamel à la source dont le débit est affreusement lent. Moi qui trouvais que je n'avais pas bu des masses, la poche en a prit un sacré coup! Le sac est plein, maintenant place au bonhomme: je file au stand d'en face et commence à descendre des gobelets afin de bien me réhydrater, je crains la crampe plus que tout, si jamais j'en attrape une aujourd'hui je ne donne pas cher de ma peau demain... J'entrecoupe cet afflux de liquide avec un peu de sucre: pom'pote, oranges, cake, raisins secs, tout y passe sauf le bleu et le saucisson! Les bénévoles sont une nouvelle fois aux petits soins avec moi et je repars avec le sourire me frotter... au Mont Chabot!

Mais avant cela il serait peut-être temps de jeter un œil au chrono tiens! Depuis le début de course je pense beaucoup à Yann, à ses encouragements et à tout ses bons conseils. j'aimerais bien pouvoir me positionner par rapport à lui à ce point du parcours pour avoir une estimation de mon temps d'arrivée. La montre m'indique 2h56, il me semble que Yann était en 2h36 pour une arrivée en 7h30 environ, il faut que je table sur 8 à 9h aujourd'hui, outch, la journée va être longue! (Après vérification Yann passe le ravitaillement en 2h56 également, je me suis bien planté!) Grosse pensée également pour mes supporters derrière leur écran qui doivent voir mon temps de passage, ce n'est pas grand chose mais les savoir derrière moi me donne l'envie de ne pas me relâcher.

Je longe la route principale de St Claude, pas forcément des plus agréables et biffurque à gauche dans une ruelle pentue qui m'emmène dans les petites rues de la ville. Je tourne derrière une maison pour me retrouver face à un mur: le pied du Mont Nabot Chabot, la désormais traditionnelle pancarte de l'UTTJ indique qu'il va falloir envoyer: 0.7Km / 400D+, non de dieu! Je me remémore l'avertissement de Yann: "Tu vas voir le Mont Chabot, ahah", en effet: ahah... Bon, il est grand temps de ressortir les bâtons...

Étrangement ce type de montée me convient à merveille, pour moi qui ne marche pas spécialement vite mais qui suis très régulier c'est le bonheur: je fais de grands pas à une bonne cadence et je prend rapidement de l'altitude. Evidemment j'en bave, mais la sensation de vitesse (tout est relatif) me permet de prendre du plaisir. Il fait assez chaud, je sue à grosses goûtes alors que le terrain devient de plus en plus technique. Je me vois contraint de mettre les mains pour franchir certains obstacles, outch! Un relayeur, tout frais, m'enrhume. Je l'encourage et essaie de ne pas me souvenir de tout çà. La vision de mon compagnon de la dernière descente, m'ayant dépassé pendant que je traînais au ravito, en train de suer sang et eau me fait beaucoup de bien au moral: je grimpe toujours assez bien, tous les signaux sont au vert! Je le dépasse en l'encourageant, il me dit que d'habitude il est au top dans le Mont Chabot, il a dû partir un peu trop vite...

Il a beau être très sympa, je continue à mon rythme et lui dit à tout à l'heure. Le sommet ne tarde pas à se montrer avec son lot de spectateurs qui ne manquent pas de nous applaudir, j'ai l'impression d'être une star! La descente s'amorce alors, un long chemin sous les arbres, un peu technique pour commencer mais qui deviens rapidement plus roulant. Je suis tout seul dans la montagne, bien enfermé dans ma bulle, rien devant, rien derrière, je profite du paysage, je me sens toujours assez bien alors que j'ai dépassé la mi-course, le chemin est ombragé et ne présente aucune difficulté, je n'ai qu'à dérouler, le pied!

Je déboule finalement en bas du côté de la Pérouse ou un groupe de bénévole attend auprès d'une fontaine. Pendant que je me rince le gosier ceux-ci m'indiquent que je suis dans les 10 premiers. Devant mon air incrédule ils m'assurent que je suis au moins dans les 12. Incroyable! Malgré mon départ timide me voilà sans forcer super bien placé! Est-ce que je fais une super gestion de course ou est-ce que je vais coincer? Est-ce que je pourrais repartir demain? Aucune idée pour le moment, seul l'avenir nous le dira. En tout cas pour le moment je suis bien décidé à jouer à fond la carte du top 10, demain est un autre jour!

Je repars en les remerciant. Les gens sont tellement gentils dans le coin que je ne fais que ça depuis le départ, ils usent ma salive les bougres! Je suis une route guère palpitante pendant 200 à 300m puis repars sur un chemin carrossable où je tombe nez à nez avec Lucas Humbert pendu à son téléphone, je lui demande si tout va bien, il me fait signe que oui. Problèmes gastriques apprendrais-je plus tard, comme quoi ça arrive même aux meilleurs... Je continue mon périple en direction de la difficulté du jour: Roche Blanche. Elle n'arrivera qu'au 35ème kilomètre, j'ai encore le temps de me préparer psychologiquement (et de piocher aussi...).

Je sors du chemin pour traverser une ferme ou quelque chose qui s'en approche, les habitants sont installés confortablement pour nous regarder passer, un monsieur tient un tuyau d'arrosage et me fait comprendre que je peux passer prendre une douche. Quelle chiche idée! Je m'approche les bras en croix prêt à recevoir le divin jet d'eau. Quel plaisir! Je repars trempé, bien frais et à moitié mort de rire avec le lot habituel de remerciements. Le prochain ravitaillement ne devrait plus tarder maintenant, j'ai appris par coeur leurs emplacements, celui-ci devrait arriver après exactement 33,1Km. Aller, encore deux bornes et on se retape la cloche! La fatigue commence à se faire ressentir, rien d'alarmant, en revanche Roche Blanche va prélever son tribu...

Un rapide passage en sous-bois et me revoilà sur la route pour passer devant le golf de Saint Claude. Pas le temps pour un 18 trous, j'aimerais arriver à Mijoux de bonne heure pour profiter des masseuses... On verra au retour! Un nouveau chemin me conduit tout droit au ravito tant attendu, évidemment annoncé par la traditionnelle pancarte "Une petite faim?" Une grosse même!

Me voici tombé sur le meilleur ravitaillement du siècle, après celui-ci tous les autres feront pâle figure. On me prend mon sac pour refaire le plein, le bénévole a le même et sait parfaitement comment le manipuler, fantastique, je n'ai qu'à m'empiffrer et boire tout mon saoul! J'avale tout ce qui me passe sous la main: oranges, cake, pom'pote, raisins secs, eau plate, eau gazeuse, tout me fait envie! Pendant que je me remplie le ventre nous discutons rapidement de mon état et de la suite du parcours, nous parlons aussi de mes bâtons qui semblent faire fureur auprès des coureurs et du staff. Apparemment il vaudrait mieux que je les garde sous la main, je suis au pied du mur... Si je franchit Roche Blanche sans trop de dégâts tout devrait rouler jusqu'à l'arrivée. Un gamin armé d'un jet d'eau me propose de m'arroser: vas-y fait toi plaisir! Me voilà ruisselant de la tête aux pieds, le ventre bien gonflé et le couteau entre les dents, paré à en découdre avec la dernière grosse ascension. Pour la petite histoire je suis retombé sur ce bénévole le lendemain à St Claude une fois la course terminée, je me suis empressé d'aller le remercier. Un immense merci à lui, il a su trouver les mots pour me booster et me préparer à la fin de course.

De retour sur les sentiers je cavale pendant un ou deux kilomètres avant de déboucher sur la route qui me conduira au pied de Roche Blanche. Un petit groupe attend les coureurs en bas devant la pancarte annonçant le dénivelé qui nous attend, avec un grand sourire je leur fait signe que je ne suis pas bien chaud pour celle-ci et que je vais en baver. J'arrive encore à me marrer, c'est signe que tout va bien!

En avant pour 700m de dénivelé... Tiens, ça me fait penser à la montée du Nifflon sur les Allobroges... Elle m'avait fait bien mal aux cuissots celle-là! Aujourd'hui je me sens en grande forme, les jambes commencent à fatiguer mais rien à voir avec l'épuisement de Bellevaux. Roche Blanche me voilà! Je dégaine les arcs, tire quelques gorgées de mon tuyau d'eau et me mets en route.

Bien que la chaleur soit au rendez-vous le parcours est très ombragé depuis le début, j'ai bien veillé à boire régulièrement depuis le début et aucun signe de crampe ne guette. A peine 20Km à tenir et j'en aurais terminé avec cette première étape, je commence à y croire! Les premiers 200m d'ascension se déroulent sans grosses difficultés, les jambes répondent, je bois trois gorgées tous les 50m environ afin de refroidir le moteur. Je profite du paysage sur ce single pendant que je gère mon effort. J’atterris sur un escalier en rondins qui casse bien les cuisses, je suis dans de bonnes dispositions et j'arrive à apprécier la situation, je grimpe vite, c'est stairway to heaven! Mine de rien j'ai déjà avalé près de la moitié du dénivelé! Cette montée n'est pas particulièrement raide, on est loin du Mont Chabot, toutefois les temps morts sont rarissimes, pas le temps de respirer ni même de relâcher l'effort. J'essaie d'allonger un peu le pas quand je me fais dépasser par un coureur mais rien à faire, il grimpe trop vite pour moi aujourd'hui.

Je continue à gérer mon ascension en gardant le rythme, un peu d'eau régulièrement, un coup d’œil à l'altimètre en passant, finalement le sommet commence à se dessiner! Les cuisses commencent à être dures, le genou gauche est un peu ramolo et mes pieds sont en bouillie, hormis ces petits bobos tout va bien quand je sors du couvert des arbres pour enfin profiter du panorama: je comprend enfin le nom de Roche Blanche, me voilà face à un superbe promontoire de la-dite roche. Promontoire qu'il va encore me falloir gravir, naturellement! Je commence à croiser quelques spectateurs, le photographe / cameraman est là lui aussi ainsi qu'un pilote de mini-hélicoptère armé d'une gopro. Quand j'arrive en haut du plateau j'ai l'impression d'avoir passé l'Alpe d'Huez, il y a foule, les enfants courent avec moi dans l'amorce de descente tandis que les parents m'applaudissent, un moment tout simplement magique!

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Me voilà à un peu plus de 40Km, le dernier ravitaillement est tout proche, une petite descente par la route suivie d'un chemin roulant me conduises à Septmoncel pour une dernière petite pause bien méritée avant d'attaquer la dernière montée. Je ne m'attarde pas trop à ce ravitaillement, un coureur de l'intégrale est là en train de se retaper pendant que j'avale ce qui veut bien passer, je commence à saturer en sucres, j'opte donc pour les tucs et le morbier avec un peu d'eau pour faire couler. J'entends le coureur et le bénévole dire que j'ai l'air bien tandis que je me remets en route doucement. C'est vrai que j'ai l'air bien, mais je commence à peiner. La petite côte qui sort du village est trop raide pour que je parvienne à relancer, c'est donc d'un bon pas que je mets en marche vers l'arrivée.

La montée est loin d'être abrupte, je parviens à alterner marche et course afin d'empêcher le retour du coureur du ravito. Les passages à l'ombre se raréfient et je commence à souffrir de la chaleur, mes pieds sont en compote et mes genoux ne valent guère mieux à présent. Les cuisses sont raides, séquelle de Roche Blanche et pour simplifier la chose le chemin est parsemé de troncs d'arbres couchés, parfois enjambables, d'autres fois à hauteur de visage (Olivier, si tu me lis j'ai bien pensé à toi!) ainsi que de clôtures électriques et de barbelés à enjamber, bref c'est le parcours du combattant! Je continue ma route tant bien que mal, j'ai mal partout mais l'arrivée est proche, je suis en train de faire un gros truc je n'ai pas le droit de craquer maintenant! J'essaie de trouver toutes les raisons possibles de continuer à courir: la famille et les copains en train d'actualiser les classements en se demandant pourquoi je traîne en route, l'après-midi massage-sandwich-farniente qui me tend les bras, le mec qui doit cravacher derrière pour me coller aux basques, les crêtes de demain qui promettent d'être chouettes... Bon, oublions les crêtes et le fait de devoir remettre le couvert demain...

Me voilà face à un barbelé un peu haut, j'hésite quelques secondes et passe dessous en rampant en m'enfonçant un cailloux dans le genoux, outch! Après coup je me rend compte que l'espacement entre le fil du haut et le fil du bas me laissait largement la place de passer... Quelques heures de course me voilà allégé de quelques neurones, c'est toujours ça de moins à traîner... J'approche de plus en plus de l'arrivée, j'ai commencé le décompte des kilomètres qui ne veulent plus défiler, le moral commence à en prendre un coup et je marche de plus en plus régulièrement. Une nouvelle clôture électrique, la fatigue me fait voir un simple fil, je pose la main dessus, aie! Bon, finalement je vais l'enjamber... Je passe la jambe droite, puis la gauche et crac, je le redoutais, le départ de crampe dans l'ischio gauche! Je jure, titube un peu avant de me réessayer à la course, ouf, ca tient! Je manque cruellement de jus, j'attrape le premier truc sucré de mon sac qui vient: une pâte de fruit poire chocolat. D'habitude j'adore, mais là c'est trop sucré... Je rince abondement.

Une bonne montée me permet de me retaper un peu (effet pâte de fruit?) alors que j'aperçoit le coureur du ravito en train de revenir sur moi, m*****! Je pensais l'avoir décroché celui-là... Je repars dans l'herbe au galop, il me reste moins de 4Km à tenir, tant pis, je vais piocher un peu dans l'énergie que je gardais pour dimanche. Je suis vraisemblablement dans le top 10, j'y reste! Lui aussi semble se dire la même chose, il parvient à recoller dans une portion plane ou je n'amuse pourtant pas la galerie... J'en viens à espérer que la descente sur Mijoux sera un peu technique, je me sens encore capable de quelques sauts de cabri qui devraient me permettre de le décrocher. En attendant je colle une nouvelle accélération sur le plat pour lui faire mal. La fatigue et les douleurs sont toujours de la partie mais le mental a prit le relais. Je ne lâcherais pas, les jambes sont de retour et je sens qu'il coince lorsque j'accélère encore dans la descente sur Mijoux: 2Km, 250m de dénivelé négatif sur un chemin pas technique mais pas roulant pour autant, c'est tout bon pour moi!

Je jette mes dernières forces dans la bataille pour mettre le plus d'écart entre lui et moi pour demain alors que les kilomètres se remettent enfin à défiler au compteur. Un autochtone parti promener le chien me félicite peu avant que j'aperçoive le clocher du village. Je n'ose pas me retourner de peur de faire une faute de pieds et de me gaufrer lamentablement à 500m de l'arrivée...

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

L'arrivée dans Mijoux est un long chemin de croix: Après un panneau "54Km - Bivouac" une misérable petite montée de 300m à tout casser prend des allures d'Everest et achève mes jambes... En passant je repère l'épicerie locale et les petits cafés qui ne vont pas tarder à m'acceuillir... D'ailleurs j'aperçoit Sangé, tout frais, en train de boire un coup, il a dû allumer l'enfoiré!

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape

Des barrières sont au mileu de la route, je pars naturellement dans l'autre direction alors qu'on me fait signe que la ligne est juste derrière... J'étais parti pour un ultime barroud d'honneur à travers le village... Finalement je passe la ligne en 7h10, alors que le speaker vient m’accueillir en m'annonçant une superbe 6ème place! G-E-N-I-A-L! Je suis juste sur un petit nuage, pendant quelques minutes j'oublie la douleur et la course du lendemain, je savoure l'instant. Direction le ravito pour me retaper et une après-midi de repos bien méritée: à moi les masseuses et la bouteille de perrier glacée!

Un Tour en Terre du Jura - 1ère étape
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